dimanche 15 février 2009

OTAN : ne bradons pas notre indépendance !

La France s’apprête à s’engager dans un processus de soumission militaire et diplomatique en réintégrant le comité des plans de défense, mais surtout le commandement militaire permanent intégré de l’OTAN. Cette décision est d’autant plus inopportune que rien ne nous force à nous engager dans ce processus et que ce statut de la France dans l’OTAN était, depuis notre retour en 1995-96 dans le comité militaire, totalement accepté par les Etats-Unis. Rappelons avant tout débat que ce statut particulier ne nous empêche pas d’être actuellement le deuxième contributeur de forces aux opérations de l’Alliance avec plus de 4.000 hommes, de contribuer à hauteur de 14,78% au budget civil et à hauteur de 13,85% au budget militaire, et de fournir le quart des moyens de la force initiale à la force de réaction rapide de l’OTAN (NRF).
Le commandement militaire permanent intégré de l’OTAN est une structure opérationnelle dirigée aujourd’hui, et qui restera dirigée demain par le « SACEUR », un général américain. Son adjoint, un général allemand ou britannique selon le calendrier de rotation entre ces deux pays, commande les opérations de l’Europe de la défense lorsque les pays de l’EU utilisent les moyens de l’OTAN. Ces accords nommé « Berlin Plus » on été la base du transfert à l'Union européenne de l'opération de l'OTAN en Macédoine à partir d'avril 2003, puis de celle de l'OTAN en Bosnie-Herzégovine à la fin de l'année 2004. Mais la simple mise en œuvre de ces accords reste difficile en raison de la Turquie. En effet, ce pays qui possède un droit de véto au sein de l’OTAN invoque l'absence d'accord de sécurité sur l'échanges de données classifiées entre Chypre et Malte, entrés dans l'Union européenne en 2004, et l'OTAN pour refuser leur participation aux réunions sur les opérations « Berlin plus »… Rien ne peut autoriser le « Deputy SACEUR » à passer outre ce droit de veto, et c’est soumis à cette décision de la Turquie qu’il exerce son commandement !
Dans les discussions qui ont précédé la décision française, il n’a pas même été question qu’un officier français devienne un jour « Deputy SACEUR » ! Pour ce retour sous tutelle US, rappelons que la décision de 1966 a été motivée par une volonté de contrôle sur l’engagement de nos forces, la France s’apprête à accepter un commandement régional ! Ce commandement est celui de Lisbonne qui abrite le quartier général de la Force de réaction rapide . Rien de bien essentiel dans le processus d’engagement des forces de l’OTAN. Alors pour donner de la substance à cette décision française il est fait grand cas du commandement stratégique ACT chargé de la transformation des forces de l'Otan qui reviendrait lui aussi à un général français. Mais stratégique il l’est surtout pour les USA par sa position géographique à Norfolk, en Virginie à deux pas du USJFCOM (United States Joint Forces Command) qui a la même mission de transformation des forces mais au profit des Etats-Unis ! On peut s’interroger pour savoir comment les entreprises de défense européennes concernées au tout premier plan par la transformation des forces pourront se positionner dans cette compétition ?
On tente aussi de nous faire croire que cette réintégration dans le commandement militaire intégré est un gage de la réconciliation transatlantique entre la France et les Etats-Unis dans le respect des intérêts de chacun. Cet alibi ne tient pas. En effet notre appartenance au commandement intégré présumera de la disponibilité des forces françaises. A l’occasion d’une prochaine mission militaire notre participation sera supposée acquise et le rôle de nos forces prédéterminé. Jusqu’à présent, la France avait une forte capacité à infléchir la conduite des missions puisque membre du comité militaire où se réunissent les ministres de la défense des pays membres de l’Alliance elle avait voix au chapitre politique sans être commise d’avance sur sa participation militaire. Les pays membres du commandement militaire permanent intégré de l’OTAN devaient nous écouter et infléchir éventuellement leurs positions pour nous convaincre d’engager des forces. Ce ne sera plus le cas, nos forces seront pré engagées !
Cette normalisation du statut de la France dans l’OTAN nous fera perdre le symbole d’une indépendance de notre pays par rapport aux Etats-Unis. Et il sera bien difficile de faire croire que la politique Européenne de Sécurité et de Défense a comme objectif une part d’autonomie.
Membre de l’Assemblée Parlementaire de l’OTAN pendant cinq ans, j’avais fait remarquer lors d’une séance plénière à des parlementaires américains qui nous demandaient publiquement de bien vouloir intégrer la Turquie au sein de l’UE que nous ne nous mêlions pas de savoir pourquoi il n’y avait que 50 états aux USA et qu’en conséquence il était opportun pour ces étrangers à l’Europe de bien vouloir se mêler de ce qui les regardait. Tenir ce type de propos alors que nous aurons soumis l’engagement de nos forces à un possible véto américain, canadien ou turque, leurs transformations à l’influence croissante de l’industrie américaine, n’aura plus beaucoup de sens : étrangers à l’Europe ils ne le seront plus puisqu’ils en contrôleront sa politique de défense.

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